Un ancien frère du Prado béatifié
Parmi les 19 martyrs d’Algérie béatifiés le 8 décembre 2018, le frère Michel était l’un des sept moines de Tibhirine, retrouvés décapités en 1996.
Né en 1944 en Loire-Atlantique, Christian FLEURY entend très jeune un appel à donner sa vie à Dieu et aux hommes : les deux fils rouges de cet unique appel ne vont pas cesser de se croiser et de se tisser dans son histoire, jusqu’au martyr.
Il cherche d’abord comment orienter sa vie, en se préparant à la prêtrise au petit et au grand séminaire, de 1961 à 1969. Mais finalement, l’autre fil rouge de sa vocation se rappelle à lui, à travers un stage dans une entreprise de métallurgie qui va l’ouvrir sur une autre orientation : il choisit dès lors de rejoindre la Fraternité des frères du Prado, avec le désir d’être “témoin de l’évangile en vivant au milieu des pauvres”.
Dans cet esprit, après un temps de formation pradosienne à Lyon, il obtient un CAP de fraiseur en Seine-Saint-Denis, puis il intègre une équipe de frères du Prado à Marseille. Embauché à l’usine Alsthom, il se fait beaucoup d’amis en particulier parmi ses camarades travailleurs immigrés venus du Vietnam, ou du Maghreb. Très proche d’eux et de leurs familles, Michel les aide souvent à aménager leurs logements et se fait solidaire de leur quête syndicale de dignité.
Au cœur de cette vie, il passe un temps toujours plus important à l’étude de la Parole de Dieu. Ses frères du Prado se souviennent de la manière dont il portait toutes ses rencontres, dans la prière et le silence. De plus en plus, grandit en lui l’aspiration à une vie de prière encore plus forte et à un don plus total de sa vie au Christ. Le premier fil rouge de son appel revient à nouveau croiser la trame de son existence : il décide alors de rejoindre l’Abbaye des Trappistes de Bellefontaine, où il restera durant quatre ans.
Mais de nouveau, au cœur de cette vie monastique, retentit en lui l’appel à vivre une plus grande pauvreté et à rejoindre le peuple algérien, avec lequel il avait tant partagé à Marseille. Sa communauté accepte alors de l’envoyer à la Trappe de Tibherine, Notre Dame d’Atlas, près de Médéa.
Reconnaissant son attachement à la Parole de Dieu et à l’étude de Jésus-Christ, qu’il avait développé en particulier au Prado, il reçoit le ministère institué de “lecteur” du monastère : ses frères moines le reçoivent comme “témoin vigilant de notre vocation commune à la “lectio divina” des Ecritures et des Evénements” (Chronique de Tibhirine de 1990, p.1).
En 1995, il envisageait avec lucidité l’éventualité d’être victime du conflit entre les divers groupes militaires et politiques agissant dans la région. “Nous ne pouvons pas partir au moment où, autour de nous, tant de vies sont sacrifiées dans la violence et l’indifférence”.
“Il me semble que Celui qui nous aide aujourd’hui à tenir, c’est celui qui nous a appelés… J’en reste profondément émerveillé : ‘Celui qui nous affermit avec vous (peuple algérien) en Christ et qui nous donne l’onction, c’est Dieu, Lui qui nous a marqués de son sceau et a mis en nos cœurs les arrhes de l’Esprit’ (2 Co 2,21-22). Parole de St Paul, qui m’a été donnée au cours de notre liturgie des heures le jour de la solennité du St Sacrement… Parole, qui me parle encore et qui m’est donnée comme une force pour vivre aujourd’hui paisiblement avec mes frères…”
(Lettre à son cousin prêtre Joseph Crand, août 1994)
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