Témoignages de Jean Yves et Odette GOBERT lors de leur association au PRADO
21 janvier 2017- Tulle St Joseph.
Je devais avoir à peine cinq ans lorsque Jésus est venu me visiter et habiter mon cœur d’enfant. Cette nouvelle naissance je la dois à la foi de mon Père et de ma Mère mais aussi de ma famille et de quelques personnes que le Seigneur a placées sur ma route.
Cette incarnation n’a cessé de se concrétiser au fil du temps, n’a cessé de se consolider à partir de l’accueil de l’Evangile qui m’a ouvert à l’Amour et à la Miséricorde de Dieu mais aussi à l’Amour du prochain et au pardon.
Ainsi sans trop le mesurer, mais parce qu’en moi était un désir profond d’aller plus loin, je suis devenu disciple de Jésus. Il m’a été donné de vivre une vie ordinaire, comme celle de tant d’hommes et de femmes, vie avec ses moments de joies mais aussi de souffrances.
– J’ai été conduit au désert où j’ai connu le silence de Dieu, où des frères et des sœurs en Christ m’ont tourné le dos. J’ai connu des moments de doute, de découragement et j’ai eu envie de tout plaquer, mais blessé, sur le bord du chemin, le Seigneur, chaque fois m’a envoyé un bon samaritain qui a pris soin de moi.
– La croix ne m’a pas été épargnée : suite à la guerre, ma famille et moi même avons vécu la pauvreté et la dépendance économique. Suite à la mort dramatique de deux jeunes frères, notre mère a perdu la santé et s’en est allée alors que mon jeune frère avait seulement 16 ans. Puis ce fut la mort de notre fils Pascal alors qu’il venait d’avoir 33 ans et qu’il laissait deux petites filles.
Moi-même atteint par la polio à l’âge de 12 ans, j’ai connu l’approche de la mort et le handicap.
Ce dont je peux témoigner c’est que ces conduites au désert et la présence de la croix, au lieu de m’affaiblir m’ont fortifié. J’ai saisi combien la Vie était un don de Dieu, bien précieux mais fragile que nous ne pouvons pas gaspiller et qu’il nous faut aller à l’essentiel, « Se laisser aimer et regarder par Dieu, aimer le prochain avec une préférence pour le petit et le pauvre. »
J’ai compris qu’au plus profond de nos nuits le Seigneur vient habiter, comme il a accepté de naître dans une nuit du monde, dans une étable.
La traversée du désert et le passage par la croix m’ont conduit vers le beau matin de Pâques. Il ne sert à rien de nous enfermer dans nos tristesses et nos tombeaux. L’accueil de Celui qui est la Vie passe par la mort à soi. Il est inutile de chercher le Vivant parmi les morts…il s’agit d’aller trouver les frères et de leur annoncer que nous avons rencontré le Ressuscité, qu’Il est avec nous jusqu’à la fin des temps.
Ce compagnonnage avec Jésus a orienté toute ma vie, donnée aux plus petits, aux pauvres et aux exclus. Ils m’ont fait découvrir le vrai visage du Fils de Dieu, venu parmi nous, non pas pour les bien-portants mais pour les malades et les pécheurs. Dans leur regard et le partage de l’Evangile, j’ai été témoin de nombreuses résurrections, signe de la présence de l’Esprit dans notre monde.
Ordonné diacre en 1982 par Mgr Brunon, après avoir résisté longuement à cet appel, j’ai souffert avec mon épouse du manque de lieux de ressourcement, de partage d’Evangile avec mes frères diacres et épouses de diacres, de relecture de nos ministères et de nos missions jusqu’au jour où comme Nathanaël j’ai rencontré Philippe de la Creuse qui m’a dit que lui et Patricia avait trouvé le Prado, découvert le Père Chevrier. Il nous a invités à venir et à voir. Nous avons vu, entendu, rencontré des frères et des sœurs et nous sommes restés.
Il m’a fallu beaucoup de temps pour reconnaître dans mon histoire, Celui qui m’a attiré sur ses pas. Il m’a fallu beaucoup de temps pour lâcher prise. Je suis conscient d’être l’ouvrier de la dernière heure mais je sais que le salaire est à la hauteur de celui de l’ouvrier de la première heure. L’Amour du Père pour l’homme ne se quantifie pas, il est l’être même de Dieu, sans condition préalable, don sans cesse renouvelé. C’est pourquoi, avec humilité, simplicité je demande dans cette église de Saint Joseph ouvrier, devant toi Philippe notre provincial, mes amis, mes frères et sœurs, en lien avec ceux qui n’ont pu nous rejoindre, d’être diacre associé au Prado.
A la suite d’Antoine Chevrier je souhaite donner davantage corps à l’Evangile, devenir véritable disciple de Jésus Christ, vivre la fraternité, premier nom de l’Eglise, être du bon pain pour les hommes particulièrement pour les affamés d’humanité. Je désire plus-que jamais être serviteur, certes souvent inutile mais serviteur fidèle car en Lui je mets mon espoir et ma joie.
Mon engagement aujourd’hui va de paire avec celui d’Odette que je remercie d’avoir osé franchir le pas et avec qui je partage le quotidien depuis près de quarante ans. Je la remercie pour son aide et son soutien, ses bousculades qui me ramènent toujours à l’essentiel. Je lui renouvelle mon engagement sacramentel, fait dans cette église : « Odette je te veux encore pour épouse, je t’aime plus qu’hier mais moins bien que demain.
Ma vie n’a pas été un long fleuve tranquille, mais ma foi en a été le moteur et m’a permis de traverser tous les orages et de répondre présente chaque fois que j’ai été mise au pied du mur.
Je ne suis pas née dans une famille chrétienne et cette foi, au départ on n’a pas cherché à me la transmettre, et je n’ai pas cherché non plus à la trouver. Elle s’est emparée de moi lorsque vers 5 ou 6 ans je suis entrée dans une église pour la première fois, sollicitée par une camarade de classe, et en dépit de l’interdit familial. J’ai ressenti un tel émerveillement, une telle paix, un tel bonheur que j’ai pressenti l’existence du Tout Autre. A 7 ans ½ j’ai été admise comme interne au pensionnat du Sauveur à la Souterraine. Je dois beaucoup à ces religieuses qui ont su mettre des mots sur ce que je pressentais et me donner des repères. J’éprouvais un bonheur absolu à prier devant le Saint Sacrement en oubliant le temps et l’espace. Lorsque j’ai quitté le pensionnat, le catéchisme que j’ai subi était plutôt contre productif. On nous parlait surtout de péché, d’enfer, de punition, du diable ce qui ne correspondait pas du tout à l’idée que je m’étais faite de Dieu.
Ma foi d’adulte s’est construite un peu comme une succession de chemins de Damas et de petites conversions dans le contact avec la souffrance. Je suis pourtant d’un naturel joyeux et optimiste car la vie m’a appris qu’il n’existe pas de nuit assez noire pour qu’une petite étoile ne finisse pas toujours par s’allumer quelque part. Elle m’a appris que tout homme tombé peut se relever et que nous pouvons être artisan de sa guérison en partageant avec lui l’Amour que Dieu nous donne. Elle s’est aussi construite dans le contact avec la mort en accompagnant jusqu’au bout des mourants dans des agonies et des conditions parfois très difficiles. Quand je parle de chemin de Damas je pense aussi à la mort de notre fils ; au plus fort de la souffrance, de la révolte, de la colère, Il était là malgré tout et a permis que la certitude de la résurrection s’impose à moi comme une évidence.
La relation d’abord avec les handicapés, puis avec les gens du voyage auprès de qui je chemine depuis 16 ans reste pour moi un chemin de conversion.
J’ai envie de dire merci pour les difficultés, voire les drames que j’ai vécus parce qu’ils me rendent plus proche de ceux qui croisent ma route et qui sont dans la peine. Pour moi il est essentiel de communier en vérité à la souffrance de l’autre pour pouvoir ensemble faire humblement quelques pas sur le chemin des béatitudes.
Venue à Tulle suite à des choix professionnels dictés par mes engagements familiaux, j’ai rencontré Jean Yves et il y a presque quarante ans nous nous sommes mariés dans cette église. La préparation et l’ordination de Jean Yves au diaconat ont été des temps très forts. Le diaconat n’a pas modifié notre façon de vivre, mais il a donné une autre dimension.
Peu après, les coups bas d’une certaine Eglise ont eu un impact très lourd sur notre vie et celle de nos enfants. Même si j’ai pardonné, ces blessures ont du mal à cicatriser complètement.
C’est dans une période de révolte alors que j’avais claqué la porte, que Philippe et Patricia nous ont tendu la main et fait connaître le Prado. Je me suis parfois sentie un peu SDF dans l’Eglise, avec le Prado, j’ai eu le sentiment d’avoir trouvé ma maison.
Nous avons cheminé quelques années. Les rencontres, que ce soit en Haute Vienne ou à Limonest, sont de véritables bouffées d’oxygène pour moi qui manque cruellement de lieux de ressourcement. C’est tellement revigorant de partager l’Evangile et de vivre en vérité la fraternité. A Limonest je suis toujours bouleversée par la Fraternité qui rayonne entre les diacres et épouses, par la tolérance, l’écoute, par la richesse des échanges, le partage en toute simplicité et surtout l’intensité des célébrations eucharistiques. C’est dans ces célébrations que je reprends le plus de force. A chaque fois me revient à l’Esprit la phrase « chacun disait en les voyant « regardez comme ils s’aiment », pas d’un amour de copains, ou intellectuel, mais dans le partage de l’Amour qui fait vivre. Je pense en particulier à Guy maintenant malade, à Louis et Arlette, à Geneviève et bien d’autres.
J’hésitais un peu pour m’engager pour diverses raisons qui ne tiennent pas au Prado. Lors de la dernière retraite nous sommes allés à la maison de Saint Fons. J’ai ressenti un choc en entrant dans cette maison ; il n’y a quasiment rien, quelques bancs, quelques phrases écrites à même le mur, une crèche, une croix, un tabernacle … mais dans ce rien, il y a tout : la crèche où la Toute Puissance se fait petit enfant fragile et démuni … la Croix où par amour Jésus épouse notre condition humaine jusqu’à l’ultime limite et meurt, humilié, torturé, abandonné de presque tous, portant avec lui toutes nos souffrances, tous nos chemins de mort, pour nous ouvrir les portes de la résurrection … le tabernacle, présence de Dieu à notre monde d’aujourd’hui dans toute l’infinitude de son Amour. Dans les inscriptions sur le mur est résumée toute une règle de vie dans la fidélité à l’Evangile. Alors oui, je souhaite rejoindre la fraternité des diacres et épouses du Prado pour avancer sur les pas du Père Chevrier et témoigner de mieux en mieux de l’amour de Dieu pour les plus faibles, les plus exclus, ceux qui sont le plus loin.
Je veux m’associer au Prado de France en prenant comme guide le Père Antoine Chevrier qui a dit : « Je me décide à suivre Notre Seigneur Jésus-Christ de plus près pour me rendre plus capable de travailler efficacement au salut des hommes. »
Je veux faire de l’Evangile la source et la règle de ma vie et vivre ainsi la plénitude de mon baptême.
Je veux grandir dans la connaissance de Jésus Christ par une lecture fréquente de l’Evangile, choisir une vie simple et donner une place préférentielle aux pauvres dans ma vie.
Je veux témoigner de l’esprit des béatitudes en agissant pour plus de justice afin de promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence.
Je veux répondre à l’appel du Père, m’attacher à la personne du Christ et me laisser former par son Esprit, afin de pouvoir glorifier Dieu dans mes faiblesses et travailler avec joie à l’évangélisation des pauvres avec toute l’Eglise.
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